Ce mois-ci, l'équipe chargée du développement de JoliCloud a annoncé le déploiement progressif de la version 1.0 de son système d'exploitation. Dévoilé en 2008, Jolicloud cible principalement les netbooks et a été développé sur une base Debian et Ubuntu. Le moteur de rendu, initialement propulsé par Firefox, a récemment été changé en faveur de Chromium. En mélangeant services web et logiciels natifs, le système tire parti du HTML 5 et embarque également Wine pour faire tourner les applications de Windows.
Clubic s'est entretenu avec Tariq Krim, fondateur de Jolicloud mais également de Netvibes. L'occasion de mieux cerner la stratégie de cet entrepreneur français qui parie sur l'ergonomie de son système et pour qui l'avenir réside incontestablement dans le service hébergé
Il existe déjà plusieurs systèmes spécialement conçus pour les netsbooks (UNR, Mandriva Mini, MeeGo). En quoi Jolicloud se différencie-t-il ?
Tariq Krim : Jolicloud a été le premier OS alternatif conçu pour netbooks avec l'idée que l'interface devait être simple et élégante et que le système devait utiliser au mieux les ressources de la machine.
Je pense que nous avons révolutionné la simplicité d'un OS alternatif. Nous avons développé des outils pour permettre à n'importe qui d'installer Jolicloud en 3 clics. Nous avons beaucoup travaillé pour que tout fonctionne du premier coup. Ubuntu par exemple ne fonctionne parfaitement bien qu'avec les machines pour lesquelles Canonical a des partenariats commerciaux comme Dell. Cette philosophie du confort de l'utilisateur d'abord nous a même obligés à faire des efforts supplémentaires pour que certains composants soient supportés, tels que les cartes graphiques GMA500 et Ion "out of the box". Nous avons été les seuls à le faire de manière systématique et avec l'envie que des non-habitués prennent du plaisir à l'utiliser.
Avec Jolicloud, notre première cible, c'est le netbook acheté sous Windows. Jolicloud permet de lui redonner une nouvelle vie sur le canapé, en vacances, dans les transports pour écouter de la musique et voir des films, mais nous observons que de plus en plus de professionnels l'utilisent pour travailler.
Nous avons investi beaucoup de temps pour produire une interface qui simplifie la vie des utilisateurs, un point qui m'est cher, en utilisant les technologies Web les plus modernes.
Nous avons voulu développer nos interfaces en JavaScript, HTML5, CSS3, et notamment utiliser des technologies très récentes comme les WebSockets. Grâce au mode hors-ligne, nous pouvons fonctionner même sans connexion Internet. De plus, comme nous maîtrisons le navigateur (Chromium), nous avons la possibilité de proposer des interfaces très élégantes et facilement mises à jour.
Les systèmes que vous évoquez sont basés sur une vision du passé, développés avec des technologies natives et des outils d'installation d'un autre âge.
Jolicloud mélange les applications locales et hébergées. Ne serait-il donc pas logique de coupler le système à un service de pages personnalisables accessible depuis n'importe quel navigateur, et pourquoi pas un rapprochement avec Netvibes ?
T.K : Les applications natives sont à terme appelées à être réinventées ou à disparaître. Des technologies comme Native Client et WebGL vont permettre de tout faire dans le browser. Pour l'instant ce n'est pas le cas, et pour utiliser Spotify, VLC ou encore Skype, il faut utiliser des programmes spécifiques. Pour offrir le meilleur des deux mondes, nous avons décidé d'intégrer le support des applications natives Linux et Windows (grâce à Wine).
Mais la prochaine étape c'est clairement les Web apps, des applications écrites en technologies Web mais dont l'interface se rapproche d'une véritable application. Le meilleur exemple qui me vient à l'esprit c'est 280 Slides qui remplace Keynote sur le Web.
Nous sommes très attentifs à l'évolution des services Internet qui remplacent les applications natives et nous avons mis en place un App Center qui répertorie déjà plus de 700 applications. Naturellement Netvibes en fait partie.
La sortie prochaine de Chrome OS et les partenariats OEM de Google sont-ils une menace pour vous ?
T.K : Nous ne le pensons pas.
Nos relations avec Google sont excellentes. Pour nous Chromium c'est le nouveau middleware de l'Internet.
Je pense que Jolicloud et Chrome OS ont deux stratégies de marché différentes. Avec sa taille, Google va privilégier la vente denetbooks avec Chrome OS préinstallé, quand Jolicloud propose aux utilisateurs qui ont une machine Windows d'installer un double boot Windows / Jolicloud. Techniquement, il devrait être possible d'acheter un netbook Windows, d'installer uniquement Jolicloud et de demander le remboursement de Windows, qui représente une part significative du prix de la machine. Je serais intéressé de savoir si certains de vos lecteurs ont tenté l'expérience.
Côté fonctionnalités, je pense que nous sommes vraiment allés plus loin au niveau de l'expérience HTML5 mais aussi au niveau de l'intégration de l'aspect social. Ce n'est que le début car nous avons beaucoup de choses qui vont encore améliorer la symbiose entre le Web et l'ordinateur.
Dans tous les cas, il est important que des acteurs comme Google soient présents pour faire évoluer les mentalités et notamment convaincre le monde de l'entreprise que Windows peut être remplacé par une solution Web.
Quelle fut la réaction des utilisateurs lorsque vous avez changé le moteur de rendu en utilisant celui de Chrome plutôt que celui de Firefox ?
T.K : Les gens ont bien compris notre démarche. Au delà de la vitesse de développement et la rapidité du moteur de rendu de Chromium, c'est la vision de Google pour faire avancer HTML5 et un meilleur support de Linux qui nous a poussé à faire la transition. Je pense que Mozilla a réussi son pari de fournir une alternative crédible à IE, mais n'a pas su encore s'adapter au monde “post-browser”. Je suis un supporter de Mozilla depuis ses premiers jours, mais pour en avoir parlé longuement avec John Lilly, ex-CEO de Mozilla, le navigateur en tant qu'application va disparaître et la seule chose importante sera le moteur de rendu que l'on pourra installer partout en tant que composant. Sur ce point WebKit a une bonne longueur d'avance sur Mozilla.
Avez-vous songé à signer quelques partenariats de distribution afin de déployer Jolicloud en tant qu'Instant OS ou comme système principal sur une tablette ?
T.K : Oui.
Combien de personnes travaillent sur Jolicloud ? (employés et communauté de dév compris)
T.K : Nous sommes une petite structure.
Quel est le modèle économique de Jolicloud. Pensez-vous faire de l'argent avec ce dernier ?
T.K : Jolicloud est gratuit et le restera. Nous réfléchissons à des services premium pour nos utilisateurs avancés, mais pour l'instant notre objectif est de convaincre des millions de personnes dans le monde qu'ils n'ont pas besoin de changer d'ordinateur pour avoir une machine plus rapide et simple à utiliser mais juste d'installer Jolicloud.
Une logithèque d'applications payantes pourrait-elle voir le jour ?
T.K : Vendre des applications marche bien dans les environnements fermés comme celui d'Apple. Vendre des applications Web me semble beaucoup plus compliqué. Notre vision c'est que comme pour le monde de la musique, le Web a ses majors et ses acteurs indépendants. Nous allons promouvoir les acteurs indépendants du Web et promouvoir leur services premium. Je crois plus à des logiques d'abonnements que du paiement à l'acte.
Que nous réservent les prochaines versions de Jolicloud ?
T.K : Beaucoup de bonnes surprises.
Vous êtes déjà connu pour avoir créé Netvibes, y a t-il d'autres projets qui vous intéresseraient à l'avenir, par exemple sur le marché du smartphone ?
T.K : Avec Netvibes nous avons démocratisé l'usage des widgets et notre Ecosystem préfigurait déjà le modèle de l'App Store. Je pense que le concept de widgets a évolué pour devenir des apps sur smartphones. Le marché actuel est fragmenté par la lutte entre Android et iOS pour devenir la plateforme dominante. Elles obligent les développeurs à produire différentes versions.
La tendance du "Web as the OS Interface", c'est-à-dire la possibilité d'avoir une machine qui démarre directement dans une interface HTML5 va bouleverser les équilibres dans le monde des smartphones. Android et iOS ont déjà une date d'expiration, peut-être 2 ou 3 ans encore, dans leur forme actuelle. Avec Safari, l'iPhone 4 a déjà des capacités de navigation aussi puissantes que l'iPad. Combien de temps avant que les performances ne soient plus question de la taille de la machine ?
Aujourd'hui, la plus petite résolution que nous supportons est le 7 pouces de l'Eee PC originel. Rien ne nous empêche dans le futur d'adapter Jolicloud à des écrans plus petits.
Je vous remercie
Clubic s'est entretenu avec Tariq Krim, fondateur de Jolicloud mais également de Netvibes. L'occasion de mieux cerner la stratégie de cet entrepreneur français qui parie sur l'ergonomie de son système et pour qui l'avenir réside incontestablement dans le service hébergé
Il existe déjà plusieurs systèmes spécialement conçus pour les netsbooks (UNR, Mandriva Mini, MeeGo). En quoi Jolicloud se différencie-t-il ?
Tariq Krim : Jolicloud a été le premier OS alternatif conçu pour netbooks avec l'idée que l'interface devait être simple et élégante et que le système devait utiliser au mieux les ressources de la machine.
Je pense que nous avons révolutionné la simplicité d'un OS alternatif. Nous avons développé des outils pour permettre à n'importe qui d'installer Jolicloud en 3 clics. Nous avons beaucoup travaillé pour que tout fonctionne du premier coup. Ubuntu par exemple ne fonctionne parfaitement bien qu'avec les machines pour lesquelles Canonical a des partenariats commerciaux comme Dell. Cette philosophie du confort de l'utilisateur d'abord nous a même obligés à faire des efforts supplémentaires pour que certains composants soient supportés, tels que les cartes graphiques GMA500 et Ion "out of the box". Nous avons été les seuls à le faire de manière systématique et avec l'envie que des non-habitués prennent du plaisir à l'utiliser.
Avec Jolicloud, notre première cible, c'est le netbook acheté sous Windows. Jolicloud permet de lui redonner une nouvelle vie sur le canapé, en vacances, dans les transports pour écouter de la musique et voir des films, mais nous observons que de plus en plus de professionnels l'utilisent pour travailler.
Nous avons investi beaucoup de temps pour produire une interface qui simplifie la vie des utilisateurs, un point qui m'est cher, en utilisant les technologies Web les plus modernes.
Nous avons voulu développer nos interfaces en JavaScript, HTML5, CSS3, et notamment utiliser des technologies très récentes comme les WebSockets. Grâce au mode hors-ligne, nous pouvons fonctionner même sans connexion Internet. De plus, comme nous maîtrisons le navigateur (Chromium), nous avons la possibilité de proposer des interfaces très élégantes et facilement mises à jour.
Les systèmes que vous évoquez sont basés sur une vision du passé, développés avec des technologies natives et des outils d'installation d'un autre âge.
Jolicloud mélange les applications locales et hébergées. Ne serait-il donc pas logique de coupler le système à un service de pages personnalisables accessible depuis n'importe quel navigateur, et pourquoi pas un rapprochement avec Netvibes ?
T.K : Les applications natives sont à terme appelées à être réinventées ou à disparaître. Des technologies comme Native Client et WebGL vont permettre de tout faire dans le browser. Pour l'instant ce n'est pas le cas, et pour utiliser Spotify, VLC ou encore Skype, il faut utiliser des programmes spécifiques. Pour offrir le meilleur des deux mondes, nous avons décidé d'intégrer le support des applications natives Linux et Windows (grâce à Wine).
Mais la prochaine étape c'est clairement les Web apps, des applications écrites en technologies Web mais dont l'interface se rapproche d'une véritable application. Le meilleur exemple qui me vient à l'esprit c'est 280 Slides qui remplace Keynote sur le Web.
Nous sommes très attentifs à l'évolution des services Internet qui remplacent les applications natives et nous avons mis en place un App Center qui répertorie déjà plus de 700 applications. Naturellement Netvibes en fait partie.
La sortie prochaine de Chrome OS et les partenariats OEM de Google sont-ils une menace pour vous ?
T.K : Nous ne le pensons pas.
Nos relations avec Google sont excellentes. Pour nous Chromium c'est le nouveau middleware de l'Internet.
Je pense que Jolicloud et Chrome OS ont deux stratégies de marché différentes. Avec sa taille, Google va privilégier la vente denetbooks avec Chrome OS préinstallé, quand Jolicloud propose aux utilisateurs qui ont une machine Windows d'installer un double boot Windows / Jolicloud. Techniquement, il devrait être possible d'acheter un netbook Windows, d'installer uniquement Jolicloud et de demander le remboursement de Windows, qui représente une part significative du prix de la machine. Je serais intéressé de savoir si certains de vos lecteurs ont tenté l'expérience.
Côté fonctionnalités, je pense que nous sommes vraiment allés plus loin au niveau de l'expérience HTML5 mais aussi au niveau de l'intégration de l'aspect social. Ce n'est que le début car nous avons beaucoup de choses qui vont encore améliorer la symbiose entre le Web et l'ordinateur.
Dans tous les cas, il est important que des acteurs comme Google soient présents pour faire évoluer les mentalités et notamment convaincre le monde de l'entreprise que Windows peut être remplacé par une solution Web.
Quelle fut la réaction des utilisateurs lorsque vous avez changé le moteur de rendu en utilisant celui de Chrome plutôt que celui de Firefox ?
T.K : Les gens ont bien compris notre démarche. Au delà de la vitesse de développement et la rapidité du moteur de rendu de Chromium, c'est la vision de Google pour faire avancer HTML5 et un meilleur support de Linux qui nous a poussé à faire la transition. Je pense que Mozilla a réussi son pari de fournir une alternative crédible à IE, mais n'a pas su encore s'adapter au monde “post-browser”. Je suis un supporter de Mozilla depuis ses premiers jours, mais pour en avoir parlé longuement avec John Lilly, ex-CEO de Mozilla, le navigateur en tant qu'application va disparaître et la seule chose importante sera le moteur de rendu que l'on pourra installer partout en tant que composant. Sur ce point WebKit a une bonne longueur d'avance sur Mozilla.
Avez-vous songé à signer quelques partenariats de distribution afin de déployer Jolicloud en tant qu'Instant OS ou comme système principal sur une tablette ?
T.K : Oui.
Combien de personnes travaillent sur Jolicloud ? (employés et communauté de dév compris)
T.K : Nous sommes une petite structure.
Quel est le modèle économique de Jolicloud. Pensez-vous faire de l'argent avec ce dernier ?
T.K : Jolicloud est gratuit et le restera. Nous réfléchissons à des services premium pour nos utilisateurs avancés, mais pour l'instant notre objectif est de convaincre des millions de personnes dans le monde qu'ils n'ont pas besoin de changer d'ordinateur pour avoir une machine plus rapide et simple à utiliser mais juste d'installer Jolicloud.
Une logithèque d'applications payantes pourrait-elle voir le jour ?
T.K : Vendre des applications marche bien dans les environnements fermés comme celui d'Apple. Vendre des applications Web me semble beaucoup plus compliqué. Notre vision c'est que comme pour le monde de la musique, le Web a ses majors et ses acteurs indépendants. Nous allons promouvoir les acteurs indépendants du Web et promouvoir leur services premium. Je crois plus à des logiques d'abonnements que du paiement à l'acte.
Que nous réservent les prochaines versions de Jolicloud ?
T.K : Beaucoup de bonnes surprises.
Vous êtes déjà connu pour avoir créé Netvibes, y a t-il d'autres projets qui vous intéresseraient à l'avenir, par exemple sur le marché du smartphone ?
T.K : Avec Netvibes nous avons démocratisé l'usage des widgets et notre Ecosystem préfigurait déjà le modèle de l'App Store. Je pense que le concept de widgets a évolué pour devenir des apps sur smartphones. Le marché actuel est fragmenté par la lutte entre Android et iOS pour devenir la plateforme dominante. Elles obligent les développeurs à produire différentes versions.
La tendance du "Web as the OS Interface", c'est-à-dire la possibilité d'avoir une machine qui démarre directement dans une interface HTML5 va bouleverser les équilibres dans le monde des smartphones. Android et iOS ont déjà une date d'expiration, peut-être 2 ou 3 ans encore, dans leur forme actuelle. Avec Safari, l'iPhone 4 a déjà des capacités de navigation aussi puissantes que l'iPad. Combien de temps avant que les performances ne soient plus question de la taille de la machine ?
Aujourd'hui, la plus petite résolution que nous supportons est le 7 pouces de l'Eee PC originel. Rien ne nous empêche dans le futur d'adapter Jolicloud à des écrans plus petits.
Je vous remercie
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