Le procès Oracle-SAP débute bruyamment

le 03/11/2010 à 22:59
Le procès Oracle-SAP débute bruyamment
C'était attendu depuis que SAP a annoncé dans une lettre à Oracle qu'il ne contesterait pas les faits qui lui sont reprochés : le procès entre les deux éditeurs va essentiellement se concentrer sur le montant des dommages et intérêts qu'Oracle parviendra à récupérer.

Rappel des faits
En 2007, Oracle a porté plainte contre SAP. En cause : TomorrowNow, filiale de l'éditeur allemand, aurait téléchargé des données illégalement sur les serveurs d'Oracle. Un vol à grande échelle selon la firme de Larry Ellison, qui rappelle que ces données sont destinées à ses propres clients. L'adresse IP désignait clairement TomorrowNow.

La semaine dernière, quelques jours avant la date du procès - fixée au 1er novembre - les avocats de SAP ont fait parvenir une lettre à Oracle pour confirmer que leur client ne contesterait pas les faits reprochés à sa filiale. TomorrowNow ayant mis fin à ses activités en 2008, c'est SAP qui assumera entièrement le préjudice subi par Oracle.

Bataille de chiffres
Pour autant, l'éditeur allemand conteste très largement le montant dudit préjudice. Oracle estime avoir perdu plusieurs milliards de dollars, et réclame 2 milliards de dollars de dommages et intérêts. Deux sommes jugées déraisonnables par SAP, qui parle de quelques dizaines de millions d'euros de préjudice. L'éditeur semble néanmoins annoncer ce chiffre que pour la procédure, puisqu'il envisage d'accepter de régler une facture allant jusqu'à 1 milliard de dollars. Soit une division des dommages par deux.

Ellison, Hurd, Apotheker : le trio infernal
C'est donc le procès le plus retentissant de la Silicon Valley depuis plusieurs années. En jeu, il y a surtout trois personnalités de premier plan. Larry Ellison, patron tout-puissant d'Oracle, qui attaque à tout va, des acquis de Sun à HP en passant par SAP et Google ; Mark Hurd, ex-PDG de Hewlett-Packard (HP), qui a rejoint Oracle suite à sa démission sur fond de scandale sexuel ; et Leo Apotheker, ancien PDG de SAP, qui a rejoint la tête de HP en remplacement de Mark Hurd.

Car il faut sans doute chercher l'acharnement d'Oracle dans le contentieux qui l'oppose à HP. Lorsque Mark Hurd quitte la tête du premier fabricant mondial de PC, il rejoint Oracle. HP tente de s'y opposer, menaçant l'éditeur d'un procès, estimant que son ancien PDG devrait être contraint à un temps d'abstention vu qu'il est très au fait des secrets commerciaux et stratégiques de son ancien groupe.

Ainsi, Leo Apotheker fait un peu figure de victime collatérale. Son action à la tête de SAP n'est pas claire, HP affirmant qu'il ne connaissait en rien ce qui se tramait du côté de TomorrowNow. Oracle est sceptique, et Larry Ellison a récemment déclaré qu'il prouverait au cours du procès que Leo Apotheker était en fait au coeur d'un système d'espionnage industriel, rien de moins.

Si le procès devrait éclaircir ce point, il y a fort à parier qu'Oracle insiste sur sa personne pour mettre un peu plus en difficulté HP. Le conseil d'administration du fabricant a même mis son nouveau PDG sur la sellette, un moins à peine après son arrivée, en lien avec cette affaire.

Ce qu'il faut attendre du procès
Alors que les avocats des deux parties ont pour l'heure simplement eu le temps de présenter leur argumentation introductive, il semblerait que l'histoire soit très différente selon la version. Pour Oracle, qu'importe le montant des licences qu'aurait pu négocier SAP pour son logiciel : du moment que le téléchargement est illégal et que SAP ait tenté de développer un logiciel concurrent, ce dernier doit payer le prix fort. « Il aurait aussi pu choisir de nous concurrencer avec fair-play. A la place, SAP a choisi d'acheter TomorrowNow, une entreprise dont le conseil d'administration de SAP n'ignorait pas les pratiques illégales. »

Cette façon de raisonner semble relever du fantasme, pour les avocats de SAP. Pour eux, SAP ne doit payer que pour les contrats qu'a pu perdre Oracle suite à l'action illégale de TomorrowNow. Car pour l'éditeur allemand, s'il a gagné des clients au détriment d'Oracle à l'époque, ce n'est pas qu'à cause de l'affaire : les clients d'Oracle étaient devant l'incertitude face aux tentatives de rachat de PeopleSoft et de JD Edwards par leur fournisseur.

Il faudra donc compter sur le tribunal pour démêler cette question centrale. L'audition de Leo Apotheker, prévue aujourd'hui, pourrait permettre d'éclaircir certains points, puisque la cour a soutenu la volonté d'Oracle de l'interroger, alors que HP estimait qu'il avait largement eu le temps de le faire au cours de l'enquête préliminaire.

Autre témoin attendu à la barre : Larry Ellison. Le truculent PDG d'Oracle va-t-il apporter la preuve d'une éventuelle implication de Leo Apotheker, ou a-t-il fanfaronné un peu fort pour mettre la pression à son concurrent ? Réponse dans la suite de cette saga automnale.

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