Président de P&T Consulting, une société de services européenne, et membre du FTTH Council Europe, Pierre Pigaglio nous propose cette tribune libre par l'intermédiaire de laquelle il invite élus et régulateurs à s'interroger sur la place que peuvent et doivent occuper les collectivités locales au sein du lourd chantier qu'est la création d'un réseau national de fibre optique.
Les Collectivités locales sont de plus en plus impliquées dans l'aménagement numérique du territoire, mais elles attendent encore des mesures structurantes, d'après l'AVICCA (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel). Aujourd'hui, les Collectivités ont un rôle essentiel à jouer dans le déploiement de la fibre optique pour plusieurs raisons.
Le déploiement de la fibre optique, une opportunité remarquable pour les Collectivités locales
Généralement les collectivités locales sont propriétaires d'un patrimoine d'infrastructure notamment dans les télécoms, qui correspond au génie civil.
Ainsi elles peuvent valoriser ce patrimoine en le mettant à disposition des opérateurs, moyennant une rétribution qui est définie par la loi. Il s'agit là d'une source de revenus non négligeable.
De plus, l'implication d'une Collectivité dans le déploiement de la fibre participe au désenclavement numérique local. Aussi bien au niveau des citoyens que des entreprises, cela permet de maintenir et de créer de l'emploi, mais aussi de proposer une véritable égalité dans l'accès à l'information.
La Collectivité locale soutient le développement d'un tissu entrepreneurial dans sa région en facilitant le déploiement de la fibre. Quelques exemples concrets notamment dans le Massif Central avec des centres de télé appel. Aujourd'hui il existe des entreprises qui font de la délégation de paye, celle-ci étant suivie par un(e) intervenant(e) situé quelque part au fin fond de la Bretagne ou de la région Centre. Quand vous trouvez un numéro d'appel sur un produit, il s'agit en fait de personnes en télétravail depuis chez eux. Tout cela grâce au haut débit.
Le déploiement de la fibre permet également une maîtrise de la politique d'équipement à l'échelle de la collectivité, par exemple les cinémas. Avec la fibre très haut débit, il existe maintenant des réseaux de distribution de films en numérique permettant la création de petites salles de projection et de petits cinémas à moindre coût.
D'autre part, les collectivités locales sont aujourd'hui confrontées à un problème tout à fait matérialiste : le haut débit et Internet sont aujourd'hui devenus indispensables au confort de vie de chacun. Personne n'achète ou ne loue un appartement sans s'assurer au préalable qu'il y ait bien l'eau, l'électricité, le téléphone et un accès à Internet…
Enfin, le haut débit permet à la Collectivité de proposer des services administratifs en ligne et ainsi de se rapprocher de ses concitoyens par la communication et le service.
La place des Collectivités locales parmi les différents acteurs du déploiement de la fibre
Selon la topologie, la taille, la densité de la collectivité, sa population et sa position géographique, la Collectivité locale aura un rôle différent dans le déploiement de la fibre.
A minima, elle représente un acteur clé par rapport à la maîtrise de l'infrastructure de base, à savoir le génie civil. En effet, la Collectivité est capable d'être l'arbitre entre des concurrents sur un domaine particulier comme les télécoms, mais aussi entre tous les intervenants des différents réseaux. En effet, on peut très bien bénéficier du réseau d'eau ou du réseau d'électricité pour faire du télécom et déployer de la fibre. L'objectif premier de la Collectivité est alors de faciliter une situation concurrentielle pour assurer une desserte minimale, et bien coordonner le chantier entre les différents acteurs du génie civil.
Ensuite, selon sa capacité, son envie ou son désir politique, la Collectivité peut à maxima se convertir en un acteur dans la commercialisation des services d'accès avec pour objectif de se substituer aux opérateurs en cas de carence locale.
Entre ces 2 extrêmes, le véritable rôle des Collectivités locales est de conduire les projets initiés autour des schémas directeurs numériques. Un « schéma directeur territorial d'aménagement numérique » recouvre un ou plusieurs départements ou régions, et est établi à l'initiative des collectivités territoriales concernées. Il a une valeur indicative, et vise à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l'investissement privé. Il recense les infrastructures et réseaux numériques et présente une stratégie de développement permettant d'assurer la couverture du territoire concerné. Les Collectivités doivent impérativement participer aux choix et aux orientations stratégiques via ces schémas directeurs numériques afin de garantir à leurs résidants et entrepreneurs une desserte minimale.
Elles peuvent également participer au financement, sous différentes formes, par différentes approches. Les Collectivités peuvent tout à fait inciter au financement, se porter garantes, accompagner… Souvent elles sont parties prenantes puisqu'elles financent ou cofinancent le déploiement de la fibre optique via des associations de communes, ou d'autres structures comme des sociétés économiques ou des régies qui leurs appartiennent, en totalité ou en partie. Par exemple Vialis, la régie de gaz et d'électricité de Colmar qui est un des acteurs majeurs dans la diffusion de services télécoms dans cette zone. Manche Numérique est également un cas d'école. Nous pouvons citer aussi un syndicat intercommunal d'électrification de l'Ain, en abrégé le SIEA, créé à l'époque pour le financement et le développement, puis la maintenance du réseau électrique dans l'Ain, qui est devenu un véritable moteur à l'impulsion des collectivités locales pour le déploiement de la fibre optique dans cette région.
Le retour sur investissement (ROI) pour une Collectivité qui s'engage
L'engagement d'une Collectivité dans le déploiement de la fibre génère tout d'abord un ROI tangible. Quand il existe une démarche financière, le retour est naturellement financier avec une véritable valorisation du patrimoine, via la location de fourreaux par exemple.
Après il faut considérer le ROI intangible qui consiste principalement en l'amélioration de la qualité de vie des résidants. Sans oublier le développement du tissu industriel ou entrepreneurial qui engendre des retombées économiques à plus long terme.
Le problème des zones d'ombres peut être résolu via les « schémas directeurs numériques »
Différentes technologies existent et différentes ingénieries sur chacune peuvent présenter des options de réalisation intéressantes. Pour résoudre les problématiques de zones d'ombres, il faut tout d'abord étudier les différentes options et définir la priorité : quels sont les moyens dont nous disposons ? quelle est notre cible ? et donc qu'est-ce que nous souhaitons mettre en oeuvre ? Le schéma directeur numérique permet d'avoir un premier inventaire des différentes solutions envisageables dans la région. Ainsi les Collectivités peuvent mener un arbitrage efficace et réaliste.
Très concrètement, si la collectivité souhaite faire du résidentiel pour que tout le monde ait accès a Internet avec, par exemple, une bande passante de l'ordre d'environ 20 mégas, cela engendrera un type d'investissement différent que si elle décide de privilégier une partie de la population, que ce soit les particuliers ou les entrepreneurs, à coup de 100 mégas. Si la collectivité souhaite permettre uniquement à ces citoyens d'avoir à minima un programme TV correct, c'est-à-dire une bande passante d'environ 10 mégas, l'investissement sera bien moindre.
Il faut aussi considérer la différence de ROI à court terme ou à long terme selon les options choisies. La construction d'un réseau exceptionnel de très bonne qualité, qui nécessite un gros investissement, génèrera un retour sur investissement sur le long terme. Au contraire, si la collectivité locale décide d'avoir le plus rapidement possible une solution à proposer, et développe donc un réseau de moindre ampleur mais qui permet de satisfaire la demande à très court terme, le ROI sera plus rapide.
De cet investissement, il faudra rapprocher la perspective de revenu. S'il s'agit de 100 mégas, on peut compter sur 40 à 60 euros par mois par point livré. S'il ne s'agit que de TV, ce sera entre 30 et 40 euros par mois par point livré. Pour résoudre les zones d'ombres, tout est une question d'équilibrage, une notion d'arbitrage à pratiquer entre ces deux questions : « de combien disposons-nous ? » et « qu'est-ce que nous souhaitons faire ? ».
La stratégie économique à adopter par les Collectivités locales dans cette course au haut-débit
Les Collectivités locales doivent d'abord définir un objectif en adéquation avec leurs populations, leurs attentes, la situation du haut débit dans les différents points critiques et les perspectives d'évolutions à moyen terme (3 à 5 ans).
Ensuite, il faut apprécier la capacité de financement et les perspectives d'abonnements dans les zones considérées, afin de mettre en regard la demande et la capacité financière. Fortes de ces constats et appréciations, les Collectivités doivent prendre connaissance de la position de chacun des opérateurs nationaux et locaux sur les perspectives de satisfaction des demandes ainsi appréciées.
Il importe dans cette démarche d'intégrer les avantages à termes apportés par le déploiement du haut débit, en soutien économique, social et plus généralement en qualité de vie. Ainsi, seule une démarche d'étude poussée des perspectives d'optimisation et de maximisation des dessertes, associant aussi bien le niveau général (par exemple le département puis le canton) que local (la commune, le quartier puis la rue), permettra de trouver la solution appropriée pour sa collectivité.
Un schéma directeur numérique, avec l'appui de compétences externes en soutien, peut faciliter les études et permettre d'énoncer différents scenarii, qui feront alors l'objet de choix sur la base de critères spécifiques et localisés. Et c'est bien dans cette étude et dans la constitution de ces schémas directeurs numériques que le rôle de la Collectivité locale est essentiel pour réussir un déploiement du haut débit optimal sur l'ensemble du territoire français.
Les Collectivités locales sont de plus en plus impliquées dans l'aménagement numérique du territoire, mais elles attendent encore des mesures structurantes, d'après l'AVICCA (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel). Aujourd'hui, les Collectivités ont un rôle essentiel à jouer dans le déploiement de la fibre optique pour plusieurs raisons.
Le déploiement de la fibre optique, une opportunité remarquable pour les Collectivités locales
Généralement les collectivités locales sont propriétaires d'un patrimoine d'infrastructure notamment dans les télécoms, qui correspond au génie civil.
Ainsi elles peuvent valoriser ce patrimoine en le mettant à disposition des opérateurs, moyennant une rétribution qui est définie par la loi. Il s'agit là d'une source de revenus non négligeable.
De plus, l'implication d'une Collectivité dans le déploiement de la fibre participe au désenclavement numérique local. Aussi bien au niveau des citoyens que des entreprises, cela permet de maintenir et de créer de l'emploi, mais aussi de proposer une véritable égalité dans l'accès à l'information.
La Collectivité locale soutient le développement d'un tissu entrepreneurial dans sa région en facilitant le déploiement de la fibre. Quelques exemples concrets notamment dans le Massif Central avec des centres de télé appel. Aujourd'hui il existe des entreprises qui font de la délégation de paye, celle-ci étant suivie par un(e) intervenant(e) situé quelque part au fin fond de la Bretagne ou de la région Centre. Quand vous trouvez un numéro d'appel sur un produit, il s'agit en fait de personnes en télétravail depuis chez eux. Tout cela grâce au haut débit.
Le déploiement de la fibre permet également une maîtrise de la politique d'équipement à l'échelle de la collectivité, par exemple les cinémas. Avec la fibre très haut débit, il existe maintenant des réseaux de distribution de films en numérique permettant la création de petites salles de projection et de petits cinémas à moindre coût.
D'autre part, les collectivités locales sont aujourd'hui confrontées à un problème tout à fait matérialiste : le haut débit et Internet sont aujourd'hui devenus indispensables au confort de vie de chacun. Personne n'achète ou ne loue un appartement sans s'assurer au préalable qu'il y ait bien l'eau, l'électricité, le téléphone et un accès à Internet…
Enfin, le haut débit permet à la Collectivité de proposer des services administratifs en ligne et ainsi de se rapprocher de ses concitoyens par la communication et le service.
La place des Collectivités locales parmi les différents acteurs du déploiement de la fibre
Selon la topologie, la taille, la densité de la collectivité, sa population et sa position géographique, la Collectivité locale aura un rôle différent dans le déploiement de la fibre.
A minima, elle représente un acteur clé par rapport à la maîtrise de l'infrastructure de base, à savoir le génie civil. En effet, la Collectivité est capable d'être l'arbitre entre des concurrents sur un domaine particulier comme les télécoms, mais aussi entre tous les intervenants des différents réseaux. En effet, on peut très bien bénéficier du réseau d'eau ou du réseau d'électricité pour faire du télécom et déployer de la fibre. L'objectif premier de la Collectivité est alors de faciliter une situation concurrentielle pour assurer une desserte minimale, et bien coordonner le chantier entre les différents acteurs du génie civil.
Ensuite, selon sa capacité, son envie ou son désir politique, la Collectivité peut à maxima se convertir en un acteur dans la commercialisation des services d'accès avec pour objectif de se substituer aux opérateurs en cas de carence locale.
Entre ces 2 extrêmes, le véritable rôle des Collectivités locales est de conduire les projets initiés autour des schémas directeurs numériques. Un « schéma directeur territorial d'aménagement numérique » recouvre un ou plusieurs départements ou régions, et est établi à l'initiative des collectivités territoriales concernées. Il a une valeur indicative, et vise à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l'investissement privé. Il recense les infrastructures et réseaux numériques et présente une stratégie de développement permettant d'assurer la couverture du territoire concerné. Les Collectivités doivent impérativement participer aux choix et aux orientations stratégiques via ces schémas directeurs numériques afin de garantir à leurs résidants et entrepreneurs une desserte minimale.
Elles peuvent également participer au financement, sous différentes formes, par différentes approches. Les Collectivités peuvent tout à fait inciter au financement, se porter garantes, accompagner… Souvent elles sont parties prenantes puisqu'elles financent ou cofinancent le déploiement de la fibre optique via des associations de communes, ou d'autres structures comme des sociétés économiques ou des régies qui leurs appartiennent, en totalité ou en partie. Par exemple Vialis, la régie de gaz et d'électricité de Colmar qui est un des acteurs majeurs dans la diffusion de services télécoms dans cette zone. Manche Numérique est également un cas d'école. Nous pouvons citer aussi un syndicat intercommunal d'électrification de l'Ain, en abrégé le SIEA, créé à l'époque pour le financement et le développement, puis la maintenance du réseau électrique dans l'Ain, qui est devenu un véritable moteur à l'impulsion des collectivités locales pour le déploiement de la fibre optique dans cette région.
Le retour sur investissement (ROI) pour une Collectivité qui s'engage
L'engagement d'une Collectivité dans le déploiement de la fibre génère tout d'abord un ROI tangible. Quand il existe une démarche financière, le retour est naturellement financier avec une véritable valorisation du patrimoine, via la location de fourreaux par exemple.
Après il faut considérer le ROI intangible qui consiste principalement en l'amélioration de la qualité de vie des résidants. Sans oublier le développement du tissu industriel ou entrepreneurial qui engendre des retombées économiques à plus long terme.
Le problème des zones d'ombres peut être résolu via les « schémas directeurs numériques »
Différentes technologies existent et différentes ingénieries sur chacune peuvent présenter des options de réalisation intéressantes. Pour résoudre les problématiques de zones d'ombres, il faut tout d'abord étudier les différentes options et définir la priorité : quels sont les moyens dont nous disposons ? quelle est notre cible ? et donc qu'est-ce que nous souhaitons mettre en oeuvre ? Le schéma directeur numérique permet d'avoir un premier inventaire des différentes solutions envisageables dans la région. Ainsi les Collectivités peuvent mener un arbitrage efficace et réaliste.
Très concrètement, si la collectivité souhaite faire du résidentiel pour que tout le monde ait accès a Internet avec, par exemple, une bande passante de l'ordre d'environ 20 mégas, cela engendrera un type d'investissement différent que si elle décide de privilégier une partie de la population, que ce soit les particuliers ou les entrepreneurs, à coup de 100 mégas. Si la collectivité souhaite permettre uniquement à ces citoyens d'avoir à minima un programme TV correct, c'est-à-dire une bande passante d'environ 10 mégas, l'investissement sera bien moindre.
Il faut aussi considérer la différence de ROI à court terme ou à long terme selon les options choisies. La construction d'un réseau exceptionnel de très bonne qualité, qui nécessite un gros investissement, génèrera un retour sur investissement sur le long terme. Au contraire, si la collectivité locale décide d'avoir le plus rapidement possible une solution à proposer, et développe donc un réseau de moindre ampleur mais qui permet de satisfaire la demande à très court terme, le ROI sera plus rapide.
De cet investissement, il faudra rapprocher la perspective de revenu. S'il s'agit de 100 mégas, on peut compter sur 40 à 60 euros par mois par point livré. S'il ne s'agit que de TV, ce sera entre 30 et 40 euros par mois par point livré. Pour résoudre les zones d'ombres, tout est une question d'équilibrage, une notion d'arbitrage à pratiquer entre ces deux questions : « de combien disposons-nous ? » et « qu'est-ce que nous souhaitons faire ? ».
La stratégie économique à adopter par les Collectivités locales dans cette course au haut-débit
Les Collectivités locales doivent d'abord définir un objectif en adéquation avec leurs populations, leurs attentes, la situation du haut débit dans les différents points critiques et les perspectives d'évolutions à moyen terme (3 à 5 ans).
Ensuite, il faut apprécier la capacité de financement et les perspectives d'abonnements dans les zones considérées, afin de mettre en regard la demande et la capacité financière. Fortes de ces constats et appréciations, les Collectivités doivent prendre connaissance de la position de chacun des opérateurs nationaux et locaux sur les perspectives de satisfaction des demandes ainsi appréciées.
Il importe dans cette démarche d'intégrer les avantages à termes apportés par le déploiement du haut débit, en soutien économique, social et plus généralement en qualité de vie. Ainsi, seule une démarche d'étude poussée des perspectives d'optimisation et de maximisation des dessertes, associant aussi bien le niveau général (par exemple le département puis le canton) que local (la commune, le quartier puis la rue), permettra de trouver la solution appropriée pour sa collectivité.
Un schéma directeur numérique, avec l'appui de compétences externes en soutien, peut faciliter les études et permettre d'énoncer différents scenarii, qui feront alors l'objet de choix sur la base de critères spécifiques et localisés. Et c'est bien dans cette étude et dans la constitution de ces schémas directeurs numériques que le rôle de la Collectivité locale est essentiel pour réussir un déploiement du haut débit optimal sur l'ensemble du territoire français.
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